Le boom de l’alimentation en ligne : la Covid-19 a modifié les habitudes
La demande surpasse les capacités
Faire ses courses de la semaine en un seul clic depuis son canapé ? Même avant la pandémie, les achats alimentaires en ligne gagnaient clairement du terrain. Les pénuries dans les commerces liées à la Covid-19, la peur de la contamination ou encore la volonté de gérer son temps de manière optimale ont engendré une hausse des achats de denrées alimentaires sur Internet.
Désormais, les fournisseurs de denrées alimentaires en ligne ne peuvent plus répondre à la demande. Suite aux contraintes logistiques et aux capacités limitées, les créneaux de livraison sont devenus de plus en plus rares.
La situation en Europe n’est toutefois pas la même partout. Alors que dans certains pays, les achats alimentaires en ligne sont très répandus, dans d’autres pays, ils stagnent à un niveau relativement bas, malgré des taux de croissance élevés.
Part de marché de 8,8 % en Grande-Bretagne
D’après l’institut EHI Retail qui s’est intéressé à plusieurs pays, le leader dans ce domaine est sans conteste la Grande-Bretagne. Selon les chiffres de la société d’étude de marché britannique IGD, le marché du commerce alimentaire en ligne a atteint un volume total de 18 milliards de livres Sterling l’an dernier (environ 20,8 milliards d’euros). Avec un chiffre d’affaires global de 205 milliards de livres pour le commerce alimentaire au détail, cela représente une part de marché de 8,8 %. « Le marché du commerce alimentaire en ligne était déjà très mature avant la crise », explique l’institut EHI Retail.
Le Click & Collect privilégié en France
Le marché du commerce alimentaire en ligne a également connu une belle progression en France l’an dernier. En 2020, l’analyste de marché Nielsen a constaté une hausse de la part de marché du commerce alimentaire en ligne de 8 %. L’année précédente, cette part de marché n’était que de 6 %. « Le commerce alimentaire en ligne en France s’appuie principalement sur le modèle du Click & Collect proposé par des distributeurs de grande taille », déclare l’institut EHI Retail. « Dans le cadre de ce concept, les clients commandent leurs marchandises en ligne et les récupèrent eux-mêmes à pied au point de retrait choisi ou en voiture en drive. »
Allemagne : une part de marché plus faible
En comparaison avec les autres pays européens, l’Allemagne dispose d’un réseau de succursales de commerces alimentaires très dense. La part du commerce alimentaire en ligne en Allemagne représente entre 1,0 et 1,4 % de la totalité des achats alimentaires, ce qui est relativement faible. Malgré tout, ce marché connaît une croissance importante et a vécu un véritable boom suite au coronavirus. D’après les données de l’association allemande dédiée à l’e-commerce et la vente par correspondance (BEVH), en 2020, le marché allemand du commerce alimentaire en ligne a connu une croissance forte de plus de 67 % par rapport à 2019 pour atteindre un chiffre d’affaires total de 2,67 milliards d’euros.
« Les offres en ligne gérées de manière centralisée de Rewe, Picnic et dm ont connu un essor considérable, de même que les services de livraison de nombreux commerçants indépendants, si bien que leurs capacités arrivent à saturation », explique l’institut EHI Retail.
La tendance des solutions innovantes
Cette tendance se poursuivra : la société d’études de marché Gfk l’a confirmé. Les nombreuses répercussions de la pandémie sur les habitudes d’achat ont engendré un changement des besoins des clients d’après l’étude Gfk. On peut citer une consommation plus responsable et une volonté de diminuer le stress au quotidien. L’attention toute particulière portée à l’alimentation pendant la crise est mise en avant par l’institut dans son rapport de 2021 : « Au vu d’une prédilection pour les achats alimentaires en ligne, de la volonté de cuisiner davantage soi-même et du développement des infrastructures, de nouvelles solutions innovantes ont vu le jour, qui, outre l’approvisionnement, mettent l’accent sur le plaisir. »
Les start-ups, la nouvelle concurrence
Attirées par les chiffres d’affaires en hausse et le potentiel du commerce alimentaire en ligne, de plus en plus de start-ups en Allemagne viennent faire concurrence aux grands commerces alimentaires bien établis. Forts de centaines de millions d’euros de capital-risque, les services de livraison Gorillas, Flink et Getir souhaitent s’implanter dans d’autres villes. Ils promettent une livraison des marchandises commandées sous dix minutes, alors que d’autres prestataires comme le Néerlandais Picnic préfèrent organiser des tournées sur des itinéraires fixes à horaires fixes. Le Néerlandais fait ainsi des économies, sans pour autant rogner sur son succès.
D’après une étude réalisée par l’institut d’analyse des commerces (IFH) de Cologne, plus de la moitié des consommateurs âgées de 18 à 29 ans souhaite recevoir ses petits achats de produits du quotidien ou ses boissons sous quatre heures. Une grande majorité de la population totale (36 %) se contente cependant d’une livraison le jour même, voire le jour suivant pour les boissons.
Rewe s’allie avec Flink, Edeka avec Picnic
Le nombre de petits fournisseurs sur un marché en pleine croissance a poussé les gros acteurs du marché tels que Rewe et Edeka à se remettre en cause. Rewe, leader du marché des services de livraison et de collecte, est devenu actionnaire minoritaire de la start-up Flink cet été. Lionel Souque, directeur général du groupe REWE, explique qu’il est évident « que les livraisons de denrées alimentaires en Allemagne évoluent considérablement à l’heure actuelle. Outre le vaste choix disponible sur le site Rewe.de regroupant jusqu’à 20 000 articles, des services de livraison rapide se sont invités sur le marché, notamment une promesse de livraison au client en 10 minutes. » Le groupe REWE souhaite tirer profit du développement de ce segment de marché et approvisionner ainsi exclusivement la société Flink.
Le plus grand commerce alimentaire allemand, Edeka, plutôt discret jusqu’alors dans le domaine du commerce en ligne, mise sur des parts dans la société néerlandaise Picnic. Edeka est convaincu que le concept de Picnic, qui consiste à livrer des quartiers définis à des heures précises, lui permettra de développer le commerce en ligne à l’avenir.
En Grande-Bretagne, qui souffre actuellement de problèmes d’approvisionnement et d’une pénurie de chauffeurs routiers, de nouvelles coopérations ont également vu le jour. La chaîne de supermarchés Morrisons s’est associée à Deliveroo. Le nouveau service de livraison « Hop » livre à domicile les marchandises de Morrissons en 30 minutes dans deux quartiers de Londres.
Bilan
Le commerce alimentaire en ligne est une tendance majeure qui a connu un engouement marqué suite à la pandémie de coronavirus. Cette tendance devrait perdurer. Les entreprises doivent déjà relever un défi : éviter les problèmes de livraison et de capacité eu égard à la demande croissante. Certains pays européens affichent une faible densité de commerces alimentaires comme la Grande-Bretagne et la France. La part du commerce alimentaire en ligne s’y élève au moins à 8 %. Cependant, cette part n’est pas aussi élevée en Allemagne. Des start-ups qui proposent des délais de livraison de 10 minutes imposent une forte pression sur le marché, ce qui pousse les grandes enseignes comme Edeka et Rewe à vouloir également tirer leur épingle du jeu. En s’appuyant sur des approches différentes, elles essaient de gagner de l’argent en s’intégrant sur le marché du commerce alimentaire en ligne.